L’ÉVASID
images
la famille
Mary Lori Alf Gert
La naissance de Marc le 27 juillet 1955
« La pièce sentait le placenta frais, le désinfectant et l'espoir. »
« Il aurait tellement voulu être, lui aussi, accroché dans le dos de sa mère avec une couverture en laine. »
Les enfants
La voiture à pédales
« Marc leva le pied de l'accélérateur mais la voiture ne ralentit pas, elle était devenue incontrôlable. La petite voiture rebondissait sur le chemin en sautillant. Tout son corps se raidit, la panique l’envahit et sa vue se brouilla. Sur les côtés les rosiers écarlates défilaient comme des traînées de gouache sur une toile abstraite et au bout du chemin, la famille qui l’attendait lui apparaissait floue. Il avait la certitude qu'il allait les percuter mais il était incapable de réagir. Il essaya de crier mais ses mots d’avertissement restaient bloqués dans sa gorge comme la prière d’un athée. »
Ford Popular
« Marc était figé sur la banquette arrière. L’angoisse lui tordait les boyaux comme un python étouffant sa proie. La sensation d’une situation irrévocable et sans solution s’infiltrait dans l’habitacle de la petite voiture comme une effluve malodorante. »
Chancliffe
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Ecole Saint Roses
« Les ombres du matin coloraient les briques anciennes d'une nuance intense rouge sang. »
Chancliffe vue aérienne
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« À Chancliffe, au cœur d’un cadre majestueux de ciel bleu et de collines vertes, Marc et Clive étaient libres et heureux. »
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« Dans les collines de quartz et de schiste du Protéa Ridge, se cache une source d'où s'écoule une eau cristalline qui serpente dans la vallée et va se jeter au loin dans le fleuve Crocodile. La ligne verte des arbres et arbustes qui poussent sur les berges de la rivière contraste avec la crête brun-rouge couverte de protéas. »
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La fosse aux serpentes
« À proximité de la ferme, une vieille éolienne se tenait immobile à côté d'un réservoir d'eau circulaire. Fatiguée par les années et supportant le poids d’un bidon en tôle ondulée fixé à son sommet, la structure cabossée en acier rouillé s’affaissait, prête à céder. Ce réservoir était jadis rempli d’eau douce et fraîche, mais maintenant on n’y trouvait plus que des rochers, de l’herbe et un enchevêtrement d’arbustes. »
Rinkhals
« Mais un rinkhals juvénile lui fit face, cambra son corps et déploya son majestueux capuchon. Marc vit avec netteté la bande blanche de sa gorge qui contrastait avec les écailles d'un noir absolu de son corps. C'était souvent la dernière vision qu’avait la victime avant de sentir les crocs mortels traverser sa peau pour inoculer la dose fatale de venin. »
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Mamba
« Il vit la tête se redresser et cette bouche fatale s'ouvrir pour exposer ses crocs mortels. En quelques secondes, tout deviendrait noir et il serait emporté dans un sommeil éternel. »
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Pensionnat à Haenertsberg
« Le pensionnat est une société cruelle et vindicative, et ceux qui montrent des signes de faiblesse sont la proie naturelle de persécuteurs impitoyables. »
Vue aérienne
« Le vert lumineux des collines du plateau du nord-est était affadi par le soleil africain. Marc regarda par la fenêtre, mais il ne vit que le reflet de ses futurs tortionnaires jacassant comme un groupe de singes vervet dans un bananier. »
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La forêt
« La forêt de pins avait cédé la place à une colline escarpée couverte d'une brousse dense. Marc continua à travers les buissons en utilisant le soleil couchant comme boussole. Juste avant la tombée de la nuit, il installa un camp de fortune dans un taillis d’épines pointues et de melktou. »
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Singe Samango
« En réponse, un singe samango mâle lança un "pyow". Il leva les yeux vers les arbres assegai autour de lui. Rien. Un autre "pyow", plus proche cette fois. Terrifié, Marc explora à tâtons le sol autour de lui et trouva une grosse branche qu’il brandit en l'air comme un joueur de baseball. »
Le poulailler
Discoverers Hospital
« Livré à lui-même, Marc passa son temps à traîner près de l'hôpital au bout de sa rue. Derrière le bâtiment principal se trouvait un dépôt d’équipements hospitaliers brisés et désaffectés : une vraie caverne d'Ali Baba, un trésor de bric-à-brac. Il aimait fouiller dans cet amas d’appareils brisés et de morceaux de métal tordus, sans valeur ni avenir. Il s’imaginait transformer ce rebut en machines fantastiques qui pourraient le transporter dans un monde sans rancœur. »
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L'étang à Hamberg
« Chaque fois que ce charivari d'émotions devenait insupportable, il descendait vers un petit barrage de l'autre côté de la voie ferrée. Là se trouve le petit étang d’Hamberg : après chaque orage, les eaux de pluies s’y déversent en flots boueux car elles emportent au passage la terre des jardins des familles heureuses. »
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La gare à Roodepoort
« Marc s’assit sur un banc et regarda autour de lui. Soudainement, l’atmosphère devint plus lumineuse, les couleurs plus vibrantes. Les gens qui attendaient sur le quai d’en face se mirent à changer de forme : les grands devenaient des géants, les gros s’arrondissaient comme des ballons de plage et les petits se transformaient en petits animaux. »
Oncle Bill
La Ford Zephyr
Les yeux bleus qui fixaient Marc étaient inexpressifs, comme absents. La lumière du soleil n’effaçait pas les cernes profonds qui les entouraient et sa peau blanche étirée sur les pommettes osseuses accentuait son allure sévère. Marc ne se souciait pas de l'apparence d’oncle Bill, il était depuis longtemps, aveuglé par le désir d’être aimé.
— Elle est belle ta bagnole. — Tu trouves ? |
Les appartements
« La chambre était aussi glauque que son occupant. Meublée d’un ensemble bon marché en bois sombre, elle était habillée de lourds rideaux verts et d’un tapis usé. Une vague odeur de sperme séché imprégnait l’air. C'était un endroit où un homme solitaire et pathétique rêvait de jeunes garçons. Un lieu aussi désolé que l’âme d’Oncle Bill.
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Les avions
L'aérodrome de Baragwanath
Tiger Moth
« En plein soleil, le Tigre jaune canari ressemblait à un noble oiseau avec sa paire d’ailes majestueuses largement écartées et son nez pointé vers le ciel. Marc passa la main sur l’aile de toile tendue. »
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Tiger cockpit
« Le cockpit était simple et dépouillé, spartiate pourrait-on dire, mais pour Marc c'était le paradis. Il vit son visage souriant se refléter dans les cadrans des instruments du tableau de bord. Les minces aiguilles attendaient avec une patience religieuse le moment où elles pourraient grimper le long des chiffres blancs couchés sur leur lit noir. »
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Mooney
« Un beau mardi matin ensoleillé, à sept heures et demie, Marc ouvrit les portes du hangar où se trouvait le Mooney de Bob Oltof. Il monta sur l'aile et ouvrit la porte, il savait très bien ce qu’il faisait là. »
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Mooney cockpit
« Une odeur familière de cuir et de bakélite l’invita à s’asseoir à la place du pilote. Une légère tension dans l’estomac, les paumes un peu moites, il commença la procédure de démarrage de l'avion. Une fois le moteur mis en marche, il dégagea l'avion de son hangar et roula jusqu'au bout de la piste pour le mettre face au vent. »
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L'armée de l'Air
Les cellules de la Prison militaire à Pretoria
« À l’intérieur, ils s’engagèrent dans un long couloir qui était bordé de part et d'autre de robustes portes grises. Celles-ci étaient surmontées de petites fenêtres à barreaux et montaient la garde au-dessus de leur reflet dans le sol astiqué. L'odeur de cire était suffocante. »
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L'école technique de l'armée de l'Air
« Une fois purgée sa peine, Marc passa directement de la prison à la salle de classe. Finis les exercices et les marches forcées des deux premières semaines, finies les humiliations durant ses trente jours de détention, finie la dictature des caporaux. Il effectua sa formation de base en se spécialisant comme technicien de maintenance pour hélicoptères. »
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Base aérienne de Bloemspruit
Hélicoptère Puma similaire à celui piloté par Marc
« Puis il courut vers l’hélicoptère et se glissa dans le siège du pilote. Ses doigts, l’ayant déjà simulé mille fois, actionnèrent les commutateurs et les leviers, et bientôt le grondement des turbines se transforma en un sifflement aigu. Marc attendit qu’elles atteignent leur température de fonctionnement, puis il poussa les gaz. Les quatre pales tournèrent, se redressant progressivement à mesure que leur vitesse de rotation augmentait. »
Base aérienne de Waterkloof
« Son envie de voler était aussi intense que celle d’un chalumeau découpant le métal. Il tapota l'aile une dernière fois et traversa la rue. »
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« La base était silencieuse. On entendait juste le cliquetis métallique venant du toit du hangar qui se dilatait sous le chaud soleil du dimanche. Une brise chaude soufflait du nord-ouest, soulevant de petits tourbillons de poussière sur le sol desséché. »
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Impala jet semblable à celui que Marc a volé
« Après avoir retiré les goupilles de sécurité du siège éjectable il les rangea dans l’espace dédié, puis abaissa la verrière en Perspex et la verrouilla. Cette dernière amplifiait la chaleur du soleil et il transpirait abondamment. Il ajusta la hauteur du siège et régla le palonnier, puis connecta la ligne de combinaison anti-G, glissa la boucle de sécurité du harnais du parachute, et enfin il brancha le connecteur du microphone. »
La fugue
« Le pylône se dressait comme un squelette d'acier géant dont les bras écartés supportaient les câbles qui pourraient conduire Marc à sa destination. »
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« Marc était accroché dans les airs, à vingt mètres du sol, sans aucun moyen de remonter. Il baissa les yeux et s’aperçut qu'il n'était pas dans l’axe. Il devrait se balancer vers l'extérieur pour atteindre une benne. »
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Pylônes et benne dans lesquels Marc a traversé la frontière
La gare terminale du téléphérique de Havelock
« Marc n'avait pas encore réfléchi au moyen de sortir de la benne, et maintenant le problème se posait. Le terminus de son voyage approchait inexorablement. »
Prison Barberton
« Difficile de s’endormir. La natte dure qui servait de matelas exacerbait la douleur. La puanteur de l'humidité des murs, mêlée à l'odeur acerbe de l'urine, lui brûlait la gorge à chaque respiration. La chaleur et l'ambiance oppressantes de la cellule ne faisaient qu'ajouter à son malaise. Il ferma les yeux. »
évasion
« Marc ouvrit les fers et les retira de l’anneau. Puis, les saisissant par la chaîne, il les abattit de toutes ses forces sur la tête du policier. Le lourd métal émit un violent craquement en s’enfonçant dans le crâne du policier. »
Durban
La maison d'Alf et Marlene
« Au numéro cent soixante-dix-sept de Riley road, un énorme bougainvillier se frayait un chemin le long d’un mur blanc. Derrière ce mur vivaient son père, sa belle-mère et leur fille. Les fleurs d’un violet vif intense l'invitèrent à abandonner toute inquiétude et à frapper à la porte. »
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Warman house
« La nuit infinie approchait à pas de velours. Les bruits de la vie s’atténuaient tandis que la berceuse de la mort apportait la sérénité. Marc n'avait plus à lutter ou à se battre. Il posa sa joue sur le rebord froid des toilettes et attendit. »
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Le vieux fort
« Depuis les rues de la ville, le Vieux Fort de Johannesburg n’a rien d’imposant, il se détache à peine de la colline, avec ses tours de guet peu visibles au-dessus des remparts herbeux et son entrée discrète camouflée dans le talus. »
La route de l'évasion de Marc
« Marc était au bas de la pente et sur le point de sauter sur le trottoir quand, soudain, il sentit sa tête exploser et il s’effondra au sol. Il perçut vaguement qu’on le saisissait par les bras et qu’on traînait son corps ensanglanté sur le gravier. Puis un garde maintint sa tête au sol en l’écrasant de sa botte. »
La cour
« Marc et Dave se redressèrent. Ils se trouvaient dans une grande cour intérieure. Celle-ci n’avait pas d’éclairage direct, mais de puissants projeteurs situés sur les murs extérieurs la coloraient d’une lueur jaune et produisaient des ombres menaçantes. »
Pretoria Central Prison
— Reste face au mur, dit le gardien en le frappant à l'épaule avec sa matraque. Inutile d’y songer, personne ne s'est jamais échappé d'ici, déclara-t-il comme s'il lisait dans les pensées de Marc. Jamais, sauf les pieds devant.
Cellule d'isolation
« Les pas du gardien résonnaient comme une marche funèbre accompagnant Marc jusqu’à sa dernière demeure, sa tombe en béton, son enfer. »
« Au fil du temps, l'isolement ne fut plus qu’un océan gris infini qui s'étendait devant lui, dépourvu d'espoir et d'attentes. Derrière lui, les côtes rocheuses d'une vie perdue rougeoyaient comme un coucher de soleil d'automne. Jour après jour, ceux qu’il aimait disparaissaient dans la brume d’une mémoire devenue abstraite. Dans l'immensité de cette désolation, un vide complet et la solitude menaçaient de l'engloutir. »
« Au fil du temps, l'isolement ne fut plus qu’un océan gris infini qui s'étendait devant lui, dépourvu d'espoir et d'attentes. Derrière lui, les côtes rocheuses d'une vie perdue rougeoyaient comme un coucher de soleil d'automne. Jour après jour, ceux qu’il aimait disparaissaient dans la brume d’une mémoire devenue abstraite. Dans l'immensité de cette désolation, un vide complet et la solitude menaçaient de l'engloutir. »
La potence à Pretoria Central
« À quelques pas de sa cellule, la potence. Cet oiseau de mauvais augure qui, depuis peu, dominait ses pensées et rongeait ses tripes car, à chaque lever de soleil, il se rapprochait de son rendez-vous avec elle. »
Chant des prisonniers
Une lourdeur envahit son cœur. Les prisonniers chantaient pour accompagner leurs camarades dans leur marche vers la corde du bourreau....
Marc pensait à Xavier, condamné à mort pour meurtre, qui l'avait soigné et nourri à la cuillère après sa tentative d’évasion du Vieux Fort. « Mon ami, j’espère que ce n’est pas pour toi que je chante. »
Marc pensait à Xavier, condamné à mort pour meurtre, qui l'avait soigné et nourri à la cuillère après sa tentative d’évasion du Vieux Fort. « Mon ami, j’espère que ce n’est pas pour toi que je chante. »